Wednesday, August 16, 2006

L'après guerre... quelques idées

Je suis actuellement et, depuis le 22 juin bloquée à Montréal, vivant deux réalités qui se superposent et parfois se fondent, ce qui me rend, aux yeux de mes enfants, totalement schizophrène. Mais ceci ne m'empêche pas d'apprécier le bons sens et d'appréhender les dangers qui nous guettent. J'ai lu quelque part que le Hezbollah avait gagné la guerre sur le terrain mais qu'il a perdu sur le plan politique.
Voici quelques unes de mes réflexions désordonnées.
Nous savons que les desseins USA-Israël pour le Liban sont la satellisation et la pulvérisation. Ces desseins sont commercialisés par le biais des discours sur les clivages religieux, les démarcations Orient Occident, les luttes entre perses et arabes, qui provoquent chez les libanais des prises de positions radicales car ces discours agissent sur ce qu'il y a de plus primaire : les instincts basiques qui provoquent l'incompréhension et la peur.
D'abord un lieu commun : la réalité est que la guerre et la paix sont le fait des hommes et des femmes que nous avons au pouvoir.
Or les hommes et les femmes que nous avons au pouvoir au Liban, grâce à la loi électorale bancale tant décriée (sans oublier ses deux attelles : le bakchich et les recommandations divines) appartiennent à deux catégories : ceux qui représentent une vraie volonté populaire (peut-être intoxiquée…et je peux comprendre le pourquoi) et, ceux qui ne représentent qu'eux-mêmes (et peut-être leur familles) et, qui sont poussés, à cause de leurs visions et leurs intérêts sous-tendus de hic et nunc, de promouvoir les intérêts USA\ISRAEL en dénigrant les différentes ébauches d'un discours rassembleur et les prises de positions unificatrices.
La table ronde des négociations internes a prouvé que ces deux catégories de dirigeants ne savent pas s'entendre au-delà des mots creux et des promesses qu'ils parjurent dès qu'ils les signent. Tant qu'ils n'auront pas atteint un consensus ferme sur les vrais enjeux : l'identité du Liban, ses limites territoriales, sa vocation régionale, le rôle du citoyen et le rôle de l'état, sans oublier le rôle de l'armée, et la présence palestinienne nous seront toujours exposés aux dangers des guerres qu'elles soient civiles ou, en l'occurrence, comme cette dernière, une guerre d'agression externe dont le but, avoué par l'administration Bush, est de renforcer la prise de pouvoir par des 'démocrates' (affairistes ?) qui plient sous les promesses (fausses, illusoires, mensongères ?) de lendemain rieurs.
Il y a eu promesse de lendemains rieurs, et dès que la promesse fut faite, nous avons payé d'avance de très lourdes charges. Le prix le plus lourd c'est la mort d'enfants, de femmes et d'hommes, le sang, les larmes, et le deuil profond. Il y a aussi la destruction d'une grande partie de nos industries et de l'infrastructure civile par les forces aériennes israéliennes, l'occupation de notre territoire par les tanks israéliens, et bientôt un régime de mandat. Le résultat direct de cette promesse n'est que l'hypothèque de notre économie et de nos ressources, et non comme l'assurent certains, la réalisation de la Démocratie et de la Liberté.
Ces mêmes ressources qu'elles soient humaines, naturelles ou culturelles aiguisent l'appétit de certains de nos dirigeants qui considèrent le pays comme une corporation. Les corporations font des affaires, elles n'ont aucun état d'âme.
Tant que les intérêts du Liban ne seront pas préservés, et nos dirigeants ne peuvent les préserver que s'ils sont imprimés d'une manière indélébile dans leur inconscient, nous ne pourrons en aucun cas négocier une paix avec Israël, cette paix ne peut être efficace que quand nos politiciens auront intégré dans leur conscience nos droits inaliénables (prisonniers, eau, territoire, intérêts économiques, stabilité politique, diversité religieuse, démocratie, indépendance...). C'est uniquement ainsi que les négociations avec Israël seront plus franches, les résultats plus décisifs, plus justes et, peut-être qu'au bout du compte, nous n'aurons plus besoin de faire la guerre.
En ce qui concerne le drame palestinien, ma position est la suivante. Le Liban est une terre d'accueil d'une population spoliée de ses droits par un état expansionniste, guidé par une pensée unique, qui de plus est cruel et inique. Cette réalité israélienne ne peut être changée dans l'immédiat (sauf miracle). Les palestiniens rongés par la corruption et les diverses idéologies politiques ne pourront, à mon avis, réussir à négocier une paix juste. Le meilleur exemple que nous pouvons donner à Israël c'est d'incorporer les victimes de l'injustice monstrueuse à notre tissu social et prouver la viabilité de cette démarche. Mais pour le faire il faut impérativement :
1- mettre de l'ordre dans nos affaires internes pour aboutir à un état de droit laïc (est-ce possible ?)
2- faire un recensement de la diaspora palestinienne, de leurs problèmes sociaux, médicaux, économiques et leur assurer les conditions nécessaires à une vie digne
3- procéder à résoudre les cas individuels sur étude des dossiers à l'instar d'autres pays d'accueil comme le Canada.
Je suis consciente que c'est à très longue échéance que nous arriverons à mettre un terme à l'injustice, mais si nous pouvons entamer une réflexion sur le sujet, et aborder de front tous les enjeux et les peurs ataviques je suis sûre que nous nous rapprocherons d'une résolution de ce problème.
Pensez-vous que nous pouvons espérer puiser dans le réservoir humain libanais des hommes et des femmes capables de définir le Liban que nous voulons ? Peut-on changer les hommes et les femmes qui détiennent actuellement le pouvoir ? Sinon pouvons-nous les remplacer ? Et par quels moyens ?
Elizabeth Rebeiz
Le 16 août 2006

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