Tuesday, April 10, 2007

Un désastre américain

Paru dans LeMonde.fr

Quatre ans après la destruction formelle de la dictature de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, de quelque côté qu'on l'observe, l'évidence est aveuglante : poussée par l'idéologie néoconservatrice, préparée par des mensonges et encouragée par l'ignorance, l'invasion américano-britannique de l'Irak se révèle un désastre.

Désastre pour l'occupant et ses alliés, désastre pour les occupés. Désastre humanitaire, militaire, stratégique, économique et moral, dans un pays déjà rendu exsangue par les folies de Saddam Hussein.



Chacun connaît les données humaines de la débâcle. Près de 4 000 morts et pas loin de 24 000 mutilés côté envahisseurs. Au moins 200 000 civils irakiens au cimetière, sans doute plus. Deux millions d'exilés dans les pays voisins, à leur tour menacés de déstabilisation. Un bon million d'autres civils trop pauvres pour fuir, qui s'entassent misérablement dans des tentes d'urgence.



Financièrement, l'ampleur de la déconfiture est abyssale. Au moins 500 milliards de dollars envolés en fumée, notamment au profit d'entreprises proches de l'administration Bush - Halliburton, Bechtel, Blackwater et autres. Rétribués pour remettre le pays sur pied et s'assurer que le pétrole irakien coulerait à flots dans les oléoducs d'exportation, ces grands bâtisseurs ont un bilan égal pratiquement à zéro. Les installations n'ayant jamais été modernisées, l'extraction d'or noir reste inférieure à ce qu'elle était sous la dictature.

Parce que l'insécurité n'a cessé de s'étendre, la reconstruction promise aux Irakiens dans tous les discours de MM. Bush et Blair n'a jamais commencé. Globalement, la population s'est considérablement appauvrie, la mortalité infantile a doublé, le chômage a atteint des records, de 40 % à 60 % selon les régions. La criminalité progresse partout, produisant des bataillons de voleurs, kidnappeurs, tueurs et assassins prêts à toutes les infamies pour quelques dollars. La société civile a disparu. Ses hérauts ont fui.



En termes de géostratégie politique et militaire, l'échec de l'invasion est tout aussi considérable. "Après Saddam, ce sera le tour des autres dictateurs du Moyen-Orient, promettait Washington. L'implantation de la démocratie et de la libre entreprise en Irak fera boule de neige. Nous favoriserons les opposants à tous les autocrates, nous exigerons des élections libres partout. La sécurité de notre allié israélien en sortira renforcée."



Aujourd'hui, l'allié se sent menacé par l'Iran. La Syrie est sur le point de rentrer en grâce. Le Liban craint un retour de la guerre civile. Le régime autocratique en Egypte manipule la Constitution en vue de passer le pouvoir au fils du raïs Hosni Moubarak. Les démocrates arabes sont presque partout abandonnés à leur sort. Les monarchies de Jordanie et d'Arabie saoudite, alliées des Etats-unis, sont menacées de déstabilisation par une idéologie salafiste et anti-occidentale virulente, qui gagne toute la région. En Irak, l'occupation a favorisé l'installation d'une filiale d'Al-Qaida, plus meurtrière encore que la maison mère. Quant au régime de "l'axe du mal" en Iran, débarrassé par l'Amérique de ses deux ennemis les plus décidés - les talibans d'Afghanistan sur sa frontière est et les baasistes de Saddam Hussein à l'ouest -, il se sent si peu vulnérable à la menace extérieure qu'il peut se permettre de s'entêter sur le nucléaire. Des "amis" de la même chapelle islamique et religieuse chiite sont au pouvoir à Bagdad. La guerre en Irak, "entretenue en sous-main par Téhéran", accuse Washington, a "fixé" 160 000 soldats à portée des canons iraniens. Le récent épisode des 15 marins britanniques capturés dans le Chatt Al-Arab est, à cet égard, édifiant.



Parmi les chercheurs civils, experts militaires et diplomates américains, tous ceux qui avaient été écartés de l'aventure irakienne par la Maison Blanche et le Pentagone accusent à l'unisson George Bush, son vice-président - et ancien patron du groupe Halliburton - Richard Cheney, son ex-ministre de la défense Donald Rumsfeld et ses lieutenants "néo-cons" Paul Wolfowitz et Douglas Feith d'avoir commis, en Irak, toutes les "erreurs" imaginables.

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